• Je voudrais mourir

     

     

     

     

     

     

    Je voudrais mourir dans un endroit gratuit

    sans rupture et sans souffrance

    sans fleur ni couronne

    sans haine et sans crainte

    sans compas ni crayon, ni double décimètre

    rien qui permette de compter ou calculer

    - peut-on mesurer la violence d’un chagrin

    ou la puissance d’une histoire d’amour ?

     

    Je voudrais mourir dans un endroit calme

    où, sur des panneaux lumineux, les horaires de départs

    se confondraient avec les horaires d’arrivées

    où le silence pourrait s’apprécier en chants d’oiseaux

    où, dans le murmure léger du vent, j’entendrai Jean-Louis Trintignant

    me dire à l’oreille quelques poèmes de Desnos ou de Prévert.

     

    Je voudrais mourir dans un endroit ouvert

    avec de l’océan, des vagues et des rochers

    de longues plages de sable blanc

    j’aimerais bien qu’il y ait aussi un peu de brume

    et surtout de l’amour que l’on pourrait deviner

    derrière chaque brin d’herbe

    avec des regards perdus sur l’horizon

    et la lumière clignotante d’un phare

    (un éclat blanc toutes les 15 secondes)

    et

    il serait 19h48 un vendredi soir de septembre.

     

     

    Merci à Pauline Picot à qui j'ai emprunté les "entrées" de chaque paragraphe


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  • Un jour (encore)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un jour j’inventerai un poème qui aura pour titre :

    les pierres se souviennent

    ou …des pierres dans mon jardin

    peu importe !

     

    J’habiterai un pays peuplé de poètes

    ensevelis sous les bombes

    j’écrirai avec des mots trempés dans le sang

    l’histoire de Farid, Ahmed, Yasmina et Jacob

    d’Isaac, Myriam et Sarah

    et aussi celle de David

    dans l’ombre douce d’un arbre mort

    immobile, apaisé

    les mains au fond des poches

    David, luttant contre Goliath

    David, attendant le miracle

    tout au long du chemin de ses années

    il aura le regard piquant comme le yucca

    dans un jardin de Palestine

    guettant ses premières fleurs

    malgré les éclairs bleutés sur les ruines

    et l’écho violent des explosions

    il gardera l’espoir fragile

    de l’oiseau perché sur des barbelés

    dont l’œil étincelle au soleil matinal

     

    Oui, un jour j’écrirai un poème

    un poème empli de tendresse

    pour vous mes frères et mes sœurs

    là bas dans vos pays barbouillés de rouge.


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  • Un jour (colère)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le poète palestinien Refaat Alareer est mort le 8 décembre dans une frappe israélienne survenue dans la bande de Gaza.

     

     

    Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre

    les mains pleines de rage

    ou de pierres

    ou de terre

    ou de sang

    ... peu importe !

     

    Chaque jour dans ce pays d’exil

    l’amour sera dépouillé écorché

    dépiauté à l’ombre des chiens

    les fleurs d’amandiers auront perdu

    le parfum des collines

    et nous apercevrons la fièvre

    tout au bout des canons

    le désert habitera une chaleur tremblante

    un homme

    quittant le regard affamé des mouches

    marchera sur des routes vagabondes

    la poussière avalera ses pas

    étranges et mesurés

    un homme

    sortira du miroir tendu de la terre

    crachera sur les murs

    en criant Palestine

    avec pour seule arme

    quelques noyaux d’olive

    un homme...

    un jour...

     

    Un jour j’écrirai un poème

    qui fera tomber les murs.

     

    (Poème déjà mis sur le blog il y a 14 ans !)


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  • Ombre et clarté

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    C’était un jour comme les autres, sans doute un peu plus chaud. On attendait la fraîcheur de la nuit, rêvant de somnoler au creux d’un gouffre, entouré d’eau glacée.

    On était là, dans ce grand silence d’oiseaux et de ciel bleu traversé par le vol zigzaguant des papillons et le bourdonnement évaporé des mouches et des guêpes autour des fruits tombés du prunier.

    Les avions ne laissaient aucune traînée blanche dans ce bleu immobile.

    On percevait une toute petite brise dans les feuillages du tremble. Ça ressemblait à la respiration tranquille d’un nourrisson endormi sur le ventre de sa mère.

    Le soleil n’en finissait pas de sombrer à l’horizon mais il n’éclairait plus que les cimes du chêne et du tilleul devant la maison.

    Tous ces moments qui s’allongeaient sereinement entre les arbres, ce calme profond qui gagnait la nature, ça laissait les poètes sur le bord de la route. Ils ne trouvaient pas les mots à la hauteur de ces instants fugaces.

    Alors, à tout petits pas, la lumière s’est effacée et l’ombre est arrivée. Pas n’importe quelle ombre, celle qui est chevillée à nos corps et qui ne nous lâche jamais ; on la promène partout comme un chien accroché à sa laisse s’arrêtant régulièrement et déposant deux ou trois gouttes d’urine pour recouvrir l’insignifiance de nos traces.

    Brusquement j’ai eu envie de pleurer, sans véritable raison. Pleurer sur ma vie, sur le temps passé et le peu de temps à venir. Je ne savais pas d’où me venait cette mélancolie absurde, alors que ce soir-là s’étendait encore plus paisiblement que beaucoup d’autres soirs.

    J’ai repensé à cette phrase que j’avais notée dans un de mes nombreux carnets. Elle est d’Edmond Jabès dans son ouvrage « Le livre du dialogue » : « Il faut à la clarté beaucoup d’ombre pour éblouir ». J’ai ravalé mes larmes, avec une pointe de regret. J’ai esquissé une grimace pour faire ressortir un peu de joie sur mon visage, car j’entendais des enfants qui s’approchaient les bras chargés de promesses, que j’aurai voulues immortelles.


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  • Etrange pensée...

     

    Une étrange pensée me vient à l’instant

    et s’il

    s’il ne pleuvait jamais plus

    oui

    jamais la moindre

    la moindre goutte de pluie

    pendant tout l’été

    à partir de maintenant aujourd’hui

    aujourd’hui au début du mois de juin

    comme une punition infligée par

    par un Dieu écolo ou

    ou un diable vengeur

    avec tout ce qu’on a fait à notre pauvre planète

    les avions les camions les autoroutes les nitrates les élevages industriels les gaspillages les dépôts de plastiques dans les océans tous les

    les hydrocarbures les carrières de métaux lourds précieux rares et tout le reste

    tellement tellement de

    et nos longues impatiences nos folles envies nos drôles de besoins

    nos besoins fabriqués de toute pièce pour

    pour quoi

    rien de nécessaire d’indispensable

    rien d’essentiel à la vie

    la vie de tout le monde les hommes les femmes les enfants les arbres les

    les fleurs les insectes les champignons les oiseaux

    tout

    tout ce qui est sur la terre dessous dans l’air dans l’eau

    maudits sommes nous d’avoir tué la nature

    à petit feu puis à grand

    à très grand feu notre terre mère

    trop tard pour pleurer

    pour recoudre le soleil

    caresser admirer traverser les nuages chargés de pluie de  neige de grêle ou de

    de giboulée de brouillard de

    trop tard

    alors punis

    plus une goutte en été

    possible

    plus une goutte d’eau

    eau secours

    on va craqueler devenir sec brûler comme de la paille

    foutue paille

    pas un grain de prévoyance d’intelligence de respect de

    de lucidité

    pas un gramme

    bon bon bon

    heureusement on a encore de la réserve on a pompé pompé pompé dans les nappes

    rempli les piscines les bassines les mégas bassines

    et si

    si ça ne suffit pas on fera des

    des prières à tous les saints Patern Médard et surtout

    Sainte Soline


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  • Oh je voudrais tant (la chanson de Le Maire)

     

     

     

     

     

     

     

    Quand la brume, le froid, la bise s’en viennent

    oh mon cher Bruno le Maire

    avant que n’arrive l’hiver

    je t’en prie, viens me rassurer

    à grands coups de belles pensées citoyennes

    Je voudrais que tu me dises

    alors que fondent les banquises

    comment m’habiller et me protéger

    de ces futurs frimas

    sans aller chez IKEA.

    Donne moi des conseils qui me réconfortent

    car le vent glacé va souffler à ma porte.

    Et vous tous qui nous gouvernez

    en vous donnant mille et une peines

    dans cette ville en bord de Seine

    j’espère que vous le sentez mon désarroi

    oh bienheureux sociétaires de cette comédie républicaine

    où s’agitent des ministres à la cour du roi

    dites moi où trouver

    quelques kilogrammes de pellets

    et deux ou trois pulls à col roulé

    pour qu’une douce chaleur de 15 à 17 degrés

    envahisse à nouveau mon foyer

    Faut-il que je garde les cartons de ma machine à laver

    pour pouvoir m’y envelopper ?

    Ou faut-il laisser mon compteur Linky

    faire des coupures automatiques

    afin qu’il y ait toujours de l’électricité

    dans les sous sols de l’Élysée ?

    Oh Bruno, mon doux, mon tendre, mon beau Bruno

    je voudrais tant que tu me soutiennes

    même si cette chanson n’est pas la tienne

    car tu l’as recopié je crois

    dans les cahiers de notre bon roi

    Si par malheur tu m’abandonnes

    à la fin de cet automne

    j’ai peur pour toi mon beau Bruno

    le peuple pourrait monter au château

    refaire le coup de la Bastille

    et te planter quelques banderilles.


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  • La lune et le soleil !

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Lui / Elle (la lune et le soleil)

     

    Lui ; a-t-il encore du soleil à vivre avec la mort qui le guette sur le seuil de sa maison ? Il sort cependant tous les jours pour arroser les fleurs sur la tombe de son dernier amour, car il a décidé que cet amour serait le dernier.

     

    Elle ; avec sa face de lune toute fripée, se tient derrière la fenêtre, guettant le moindre cri d'enfant sur la balançoire au fond du jardin. Vide, sa vie, desséchée, comme l'herbe de la pelouse après un été beaucoup trop sec.

     

    Lui ; pourquoi ne vient-il pas lui offrir une ou deux roses au lieu de les faire mourir parmi les morts, alors qu'il la connaît depuis l’enfance et qu’il passe quotidiennement devant chez elle, sans croiser une seule fois son regard ?

     

    Elle ; pourquoi ne sort-elle pas pour lui offrir un café, une citronnade ou un verre de rosé ? Non, elle reste immobile, comme un papillon épinglé sur un buvard flétri, elle n’espère même plus le moindre petit rayon de soleil entre deux nuées.

     

    Lui et elle ; ils préfèrent regarder fondre le ciel entre leurs mains décharnées. Leurs sourires sont devenus comme eux : invisibles. Alors qu’ils auraient pu s’aimer (ou faire semblant) et mettre un peu de désordre dans le temps qui leur reste.


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  • Tout au bord

     

     

     

     

     

     

     

    Je me tiens au bord

    tout au bord de la peau du fleuve

    Sur l’autre rive un cri s’éloigne

    en tremblant derrière le talus

    Silence de l’eau

    du temps qui coule

    Sur la branche

    le regard de l’oiseau

    s’envole

    Je me tiens tout au bord

    de ses ailes

    sans un nuage

    libre

    libre de rester là

    dans l’herbe

    d’être l’herbe et la terre

    et le fleuve

    et ce morceau de bois

    qui s’entortille dans les flots

    et la barque noire

    sur la berge

    et le train qui apparaît

    derrière les arbres

    et les ruines d’un moulin

    tout en haut du coteau

    et le bruit des voitures

    et les vignes ensoleillées

    et…

     

    Je me tiens debout

    tout au bord

    d’un chemin inhabité

    riant à corps perdu

    avec éclat

     

    Je suis du côté du soleil

    et de tout ce qui se lève le matin.


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    Je voudrais simplement, j’insiste, simplement, vous dire que j’ai creusé la terre de mon jardin pour y enfouir mes secrets. Quand le trou a été assez profond j’y ai jeté des mots, comme des roses sur un cercueil, des mots que j’avais oubliés depuis longtemps, trop occupé que j’étais à poser des clôtures tout autour de ma vie pour me protéger de je ne sais quoi.  Je me suis penché pour regarder ces lettres mélangées qui dansaient une drôle de sarabande. Mais mon jardin en avait vu bien d’autres.

    À mains nues, j’ai bouché cette fosse et nivelé le sol. Puis j’ai planté à tout va, semé à tout vent et je suis rentré dans ma maison, à l’ombre de ma mémoire impatiente, boire un verre de vin blanc que j’ai vidé à grands coups de silence. J’ai attendu que tout pousse et me pousse, que tout lève et me relève… j’ai attendu, simplement.

    Pendant ce temps les nuages s’envolaient, les oiseaux traversaient les feuillages, du bleu se réveillait derrière la brume et l’horizon devenait lumière.

    Aujourd’hui le jardin me sourit, me tend la main et m’offre ses couleurs. Je contemple ce qui me reste à aimer. Je sais que, si un jour je me mets à genoux, ce ne sera jamais pour prier, supplier ou louer un dieu quelconque, ce sera pour éclaircir des carottes, simplement.


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  • J'aime...

     

     

     

     

     

     

     

    J’aime les gens qui poétisent, s’alcoolisent, aromatisent, construisent, analysent, ironisent, décolonisent, clochardisent, sympathisent, angélisent, cicatrisent, fraternisent, théâtralisent … et même aussi ceux qui s’autodétruisent et agonisent…

    Mais je n’aime pas du tout ceux qui capitalisent, cléricalisent, délocalisent, interdisent, globalisent, dollarisent, diabolisent, crétinisent, catéchisent ou tyrannisent.

    Je crois bien que je vous aime vous aussi, gens qui chantez, doutez, marchez, rêvez, cherchez, donnez, écoutez, jardinez, offrez, osez, pleurez, souriez, regardez, écrivez …et aussi vous qui tremblez et tombez.

    Même si, finies les embrassades, les calinades, les cajolades et les accolades ;

    même si le virus, en gros bêta, épuise toutes les lettres de l’alphabet grec entre alpha et oméga ;

    même si certains comptabilisent, trésorisent à coups de millions lors de chaque injection et remplissent les grosses bourses des actionnaires de « big-pharma » ;

    …je vous aime,

    Je vous aime, comme j’aime le soleil, la pluie, la lumière, la musique, la terre de mon jardin, le vent dans les cheveux, le café et le vin rouge, un sourire sur le trottoir, mon reflet dans tes lunettes, les choux à la crème ou les ciels d’orage.

    Je NOUS aime en cet instant, même s’il dure très peu de temps.

    Même si le monde est en feu, aucune joie n’est vulgaire.

    Alors, prenons soin de nous et jouissons de tout, ici et en tout lieu.


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