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Évidemment un jour il faudra bien ouvrir les yeux sur ce que l'on est vraiment, s'enfoncer dans les nuits ensoleillées avec des rêves insouciants puis retrouver au fond d'un miroir embrumé celui qui se cache sous la peau usée des habitudes, derrière la parole sucrée des livres, au creux d'un sentier solitaire et inhabité dont on ignore s'il débouche sur la moindre lumière ; évidemment ; un jour.
Pour accompagner la lecture !
Impromptu n°3 Chopin -Nikita Malagoff au piano (Philips)
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Une ombre me regarde
s'allonge entre les herbes
-qui sont loin d'être folles
la preuve : elles s'en balancent
Pour accompagner la lecture :
Take away (extrait) - piano connections & Marcs Boogie
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Nous vivons dans des silences minuscules,
dans des instants fugaces,
presque invisibles.
Nous vivons sur des passerelles fragiles;
il y en a de toutes sortes et de toutes dimensions,
pour franchir nos paysages les plus insolites.
Vivre c'est passer d'une rive à l'autre du fleuve
en essayant le plus possible
de ne pas tomber dans le vide
ou de ne pas se laisser entrainer au fil du courant.
Vivre c'est passer d'un rêve à l'autre.
Pour accompagner la lecture :
Extrait concerto n°27, Mozart
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Quand devant nous béton se dresse
Quand nos regards se heurtent aux pierres
Quand tous les rêves tombent en poussière
Quand nos pas tremblent sur passerelles
Il faut appeler son passe muraille
Jeter la clé, forcer le passage
Mettre de l'huile sur nos impasses
Pour faire valser les engrenages
Tournicoter et puis danser
Des paso doble des passacailles
Couvrir nos murs de passiflores
Et caresser tendres sirènes
Aux seins gonflés comme des pastèques
Alors la vie cligne de l'œil
Et retrouve ses hirondelles.
Pour accompagner la lecture :
Take away (piano connections & Marcs Boogie)
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Et nous voilà sous un ciel de neige
les oreilles dans le bourdonnement
d'un train immobile
et les yeux agrippés à l'éclat
d'une colline lactescente.
Quelques flocons voltigent encore
au dessus de cette gare improbable.
La neige a bloqué les aiguilles.
Nous sommes dans l'épaisseur du temps.
Nous avons renoncé à prendre
les commandes de la grande vitesse
qui gomme les paysages
et les fait ressembler à un défilé de mode
en accéléré.
Nous sommes à fleur de peau,
guettant la caresse de l'imprévu.
Un renard fier et arrogant
promène ses couleurs
dans un immense champ blanc;
un toit fume derrière un mince rideau d'arbres;
un voyageur sourit lorsque nos regards se croisent.
Nous avons en nous
cette rivière transparente
qui s'amuse et babille entre les pierres.
Alors, pourquoi pleurer,
trépigner, mordre ou rugir
à la gueule d'un téléphone portable.
Y a-t-il du temps qui se perd,
qui s'envole comme ça,
sans que personne ne s'y accroche,
du temps avec rien autour?
Nous avons devant nous
un matin descendu de sa branche
et deux petits pieds qui se bousculent
dans le ventre d'un printemps à venir.
La beauté est dans l'instant.
Nous parviendrons à la tenir
un peu au creux des mains,
puis nous soufflerons sur ses ailes
pour qu'elle rejoigne,
si elle le veut bien,
le chant des oiseaux
et le rêve des enfants
dans nos jardins intimes.
Nous serons fatigués,
d'une fatigue douce et tiède.
Et tout recommencera.
Le temps ronronnera à nouveau.
L'invisible sera derrière nous
et nous attendrons qu'il nous rattrape.
Nous marcherons droit
en respirant la terre
et en clignant des yeux dans la lumière.
Nous n'aurons aucun regret.
Pour accompagner la lecture :
Mozat, concerto n° 27
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La nuit quand tout dort
Moi je rêve encore
En avant l'imagination
Vive la grande récréation
Pour moi la nuit
C'est pain bénit.
Je rêve aux mots qui vont tomber
Comme des plumes sur l'oreiller
Je pense à toi, surtout à moi
À tout ce qui n'arrivera pas
Dans ma caboche ébouriffée
Les idées se mettent à valser.
Je deviens roi ou bien soldat
Marchand de sable ou de gravats
Je cours et je m'envole
Sur le toit d'une école
Essayez donc de m'attraper
Je vous balance un pied de nez.
Je fais même du patin à glace
Entre deux fusées dans l'espace
Je finis par me retrouver par terre
Sans doute à cause de Voltaire
Et si la nuit me recouvre de son manteau
C'est la faute à Jean Jacques Rousseau.
Le matin quand le monde est réveillé
Je dors encore à poings fermés.
Pour accompagner la lecture :
I rememmber Jimmy Yancey-Boogie woogie &blues
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Épaves abandonnées sur la vase de l'estuaire
bateaux au détour du sentier
squelettes posés les bras ballants
désarticulés
caressant la marée qui s'éloigne
leur vie leur sang
s'échappe de leur flanc noir.
S'asseoir sur le petit banc
qui borde le passage
attendre que l'eau
- leur vie leur sang -
revienne lentement
recouvrir leur carcasse
usée de rouille et de sel
ossements tremblants
dans la lumière liquide
qui les abreuve.
Chaque jour.
Ils perdent un peu de vie
un peu de sang
au fil d'un temps marin
qui grignote inexorablement
l'ombre de leur trace
et mêle le sang des morts
à celui des vivants.
Fragile dédicace
tout en haut d'un poème.
Pour accompagner la lecture :
Liz Story ; In a sentimental mood
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Matin de janvier
début des années soixante
dans un pensionnat de la campagne vendéenne
Immense dortoir au troisième étage
quatre longues rangées de lits
tout au bout la chambre du surveillant
Lever dès l'aube
passage dans les travées
une secousse aux gros dormeurs
Ce matin-là beaucoup de temps au creux du lit
réveil brusque
quelque chose pas comme d'habitude
regard aux alentours
fenêtres givrées
absence de chauffage pendant la nuit
pensionnaires autour de moi presque entièrement habillés
Vite
comme tout le monde
collectivité sacrée
rapidement en bas du lit
course au lavabo
stop
le surveillant
"inutile pas de toilette ce matin robinets gelés dans cinq minutes à la chapelle"
Au doigt à l'œil
obéissance aveugle
Messe hivernale dans la glacière
Ma prière ce matin-là
à Saint Pancrace
grand maitre en glaces et robinets.
Version audio :
Un blues de John Lee Hooker : "House rent boogis"
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Je vous écris d'un matin comme tous les autres matins.
On croit cela, que tous les matins se ressemblent.
Passage de la nuit au jour, des ténèbres à la lumière,
du sommeil au réveil, du rêve au réel.
Passages obligés,
quotidiens, tellement banals.
Et pourtant, si différents:
une faible lueur derrière les lauriers,
un merle au pied des rosiers,
l'humidité sur les chaises oubliées au milieu de la terrasse,
les dernières feuilles du tilleul
accrochées de toute leur faible force
au bout d'une branche,
un ciel rempli de vent et de pluie,
une lune plus blanche qu'un nuage...
Il suffit d'observer et tout change,
en nous et hors de nous.
On ouvre la porte du jour,
on prend le temps de déverrouiller son regard
pour qu'il s'arrête
devant ce qu'il a l'habitude de rencontrer:
un brin d'herbe, un sourire, un caillou,
un arbre, un mot, une fleur ou un cri.
Alors, chaque matin tout peut arriver.
Version audio :
extrait de Gayatu Mantra de Masood Ali Khan
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Il y a dessous nos semelles
le poids invisible de l'horizon
cet infini tremblement du ciel
dans les yeux d'une chanson.
Un extrait de chant diphonique pour accompagner ce texte :
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