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Un jour j'écrirai un poème qui aura pour titre
c'est la fin
ou le début
... peu importe !
La rage au cœur, des milliers de gueux
descendront sur la ville
les uns portant poignard, d’autres le fusil.
Dans les rues, sur les places
retentiront les cris des bourgeois affolés
protégeant leur maison, leur voiture, leur commerce
et la multitude de leurs petites affaires
amassées au cours de leur vie
de jouissance et de profit.
Tous les paumés, les RMIstes, les sans-papiers
les sans-rien-du-tout
ceux à qui il ne reste plus que la gueule
pour hurler leur misère
tous se vengeront, réclameront justice.
Et l’on entendra crier pitié.
Et l’on verra toutes ces échines friquées
se pencher sur les restes épars d’un repas renversé.
Peut-être, certains, dans un dernier sursaut
un sourire hypocrite sur leur lèvre éclatée
essaieront vainement d’acheter un instant de survie
avant de voir s’envoler leur âme moricaude
vers l’enfer des nantis.
Oui, un jour, les gueux descendront sur la ville
avec dans leur regard l’envie d’être bourgeois
et de trouver enfin plus pauvre qu’eux.
Un jour j'écrirai un poème, un jour, mais pas aujourd'hui.
En attendant vous me laisserez bien
finir ce foie gras avec un verre de Loupiac
personne ne nous regarde.
Version audio :
Extrait de "Tribulations" - René Aubry (Ne m'oublie pas)
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Un soir j’écrirai un poème qui aura pour titre
dans les cordes
ou prélude en la mineur
... peu importe !
Nous remuerons dans nos fauteuils
comme des oisillons au creux du nid
attendant la becquée
nous tousserons deux ou trois fois.
Sur le piano la lumière
veillera au silence
doigts tendus au dessus des touches
les mains seront prêtes pour la mitraille
un court instant de recueillement
puis elles mèneront l'offensive
sautant reculant valsant
entre fureur et tremblement
douceur et suffocation
en fugues ou ballades
le cœur endiablé
ne manquera pas d'assurance
les oiseaux cachés sous les planches
suspendront leur chant
jusqu'à la dernière coda
et les notes ayant quitté les touches
nous porteront longtemps
dans l'écho répété de leur envol.
Un soir en balade j'écrirai un poème
et je danserai la mazurka
avec Chopin et Georges Sand.
Version audio :
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Un jour j'écrirai un poème qui aura pour titre
folles genèses
ou résurgences
... peu importe !
Les boites sortiront du placardet les photos s'étaleront sur la toile cirée
vertige d'un retour en enfance
invention chancelante de la mémoire
sur des corps tristement souriants
en habits du dimanche
le temps glissera à la surface des choses
muet comme un tombeau
révèlera les jours affamés
où la misère et l'innocence
faisaient un drôle de ménage.
Tout se réveillera
la rage et la honte
l'impossible envie d'être ailleurs
les cris et les insultes
pour un bouton de manchette
ou une assiettée de poireaux
les voisins surgiront devant la porte
dégoulinant de pitié et de mauvais sentiments.
Flotteront quand même
des ilots de tendresse
les murmures d'une soupière
sur un coin de cuisinière
les silences devant la cheminée
de la petite maison.
L'amertume remplacera la haine
les années cacheront les cicatrices
au creux d'une armoire
et les souvenirs en vieillissant
deviendront à chaque fois
un peu plus présentables.
Un jour j'écrirai un poème
pour reprendre la rougeur
de mes racines.
Version audio :
Extrait de "Ballade pour piano n°3" de Chopin, par Vlado Perlmuter.
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Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre
à cœur perdu
ou les yeux clos
... peu importe !
On regardera inlassablement par les fenêtres
guettant la précieuse chaleur de l’hiver
mais il n’y aura rien sur les chemins
sauf nos souvenirs éparpillés
ne sachant plus où s’accrocher
on sera seul comme d’habitude
à visage découvert
sous un ciel froid
le paysage sera mort avec toi
et pourtant
nos oreilles entendront ton rire ta voix
on se rappellera quand tu nous embarquais
sur les sentiers dans les sous bois
cherchant lumière et harmonie
du serpent arc en ciel
on ne gommera rien de toi
on essaiera encore de danser quelques pas
derrière la frénésie de tes pinceaux
on essaiera
Un jour j’écrirai un poème
pour retrouver le temps du rêve
avec toi.
Version audio :
Extrait de "Ballade pour piano n°1 en G mineur" de Chopin, par Vlado Perlemuter
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Un soir j’écrirai un poème qui aura pour titre
entre les choses
ou derrière les ombres
... peu importe !
Tout sera noir et aveugle
dans le calme mystérieux des secrets
nos projets effilochées disparaitront
comme brume légère un matin d’été
personne ne sera mort
il n’y aura pas de valise à faire
ni de bois à couper
on entendra la fragile inconscience du rire
derrière le rideau des choses
on se contentera de respirer
de sentir les battements du cœur
sur l’oreiller
les mots seront absents
ils auront rejoint les berges humides
où se recueillent les songes
dans l’ombre de l’insomnie
on découvrira la légèreté
de l’abandon
l’espace envahira la pensée
ignorant les heures
jetées au soupir de la pendule
quelque part un enfant qui nous ressemble
comptera les moutons en fermant les yeux
sur le sable de la nuit
Un soir très tard j’écrirai un poème
et je m’endormirai doucement
sur la paille tiède et sucrée d’un rêve.
Version audio :
Extrait de "Vesuvio solo" de Walli Badarou (Words of a mountain)
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Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre
visage de glace
ou la belle endormie
... peu importe !
La lumière sera blanche
comme l’oubli
rien ne tremblera
dans ton regard de cendre
la flamme disparaitra
ne laissant que le glaive
le vent ne pourra franchir
tes lèvres entrouvertes
plus un souffle espéré
plus de chaleur offerte
pas le moindre mot
transpirant de la chair.
Alors je surgirai
sur les vagues éclatées
d’un océan d’absence
guidé par le chant convulsif
d’un corbeau dans le soleil dormant
la forêt portera la couleur de mon cri
tu remonteras doucement
des caves marinées de l’ennui
tes yeux
sortiront peu à peu
de leur hiver intime
et
je t’embrasserai.
Un jour j’écrirai un poème
pour te réveiller ma princesse.
Version audio :
Extrait de " The Dachstein Angels" de Walli Badarou (Words of a mountain)
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Un matin j’écrirai un poème qui aura pour titre
sous la cendre
ou l’absence
... peu importe !
Un homme avancera dans un long corridor.
À bouche décousue
il cherchera les mots
accrochés à sa mémoire.
Il maudira ses maigres larmes
devant chaque porte close
sa pudeur javellisée gisant sur le sol.
Il regardera fondre le ciel
entre ses mains décharnées
et il sourira tristement.
à la fenêtre éteinte.
Comme un papillon épinglé
sur un buvard flétri
il ne bougera plus ses ailes
attendra qu’on l’enferme
dans le tiroir de sa vieillesse.
Un matin j’écrirai un poème
et mon rêve poursuivra sa course démente
entre les draps du temps.
Version audio :
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Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre
entre les gouttes
ou après l’orage
... peu importe !
Nous marcherons encapuchonnés
dans un pays bleu
qui ressemblera à la Bretagne.
Il pleuvra sur nos sécheresses
le bonheur se lèvera de son lit de patriarche
Mine de rien quelques mots bien trempés
éclabousseront nos gabardines
nous les emporterons et les mélangerons
aux secrets boulonnés sur nos silences
aux passerelles de l’ombre
à notre mémoire égarée
à tous les oiseaux de notre enfance
et au sourire forcé du clown.
Un nuage solitaire étirera ses dentelles
le clapotis de nos pas
endormira les sentiers volages
nos amours habiteront un ciel de traine
et chanteront dans les hortensias.
Un jour j’écrirai un poème
et la vie, simplement
ronronnera sous l’averse.
Version audio :
Extrait de "Melezouriou-glav" - Denez Prigent (irvi)
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Une nuit j’écrirai un poème qui aura pour titre
une vie de chien
ou chienne de vie
... peu importe !
Je serai tout en haut d’une échelle
hurlant
à décroisser la lune
ronde et rouge
d’un œil excité je regarderai
la chienne à mémère
inaccessible
de l’autre côté de la clôture
ses poils lessivés, bien peignés
ses petits nœuds
son air malheureux.
J’habiterai un village de montagne
balayé par le vent de burle
sale bâtard des hauts plateaux
sans dieu ni maitre.
Je marcherai comme un chien
rêverai comme un chien
pisserai comme un chien
avec cette façon innocente d’être ailleurs
en grattant l’herbe ou la poussière.
Affamé je me rongerai les os
mais jamais ne donnerai la papatte
ni ramènerai la baballe ou le bâton
je vivrai comme un chien
crotté, pouilleux et solitaire
libre
de courir après ma queue
et de renifler la merde.
Une nuit j’écrirai un poème
à faire brailler la lune.
Version audio :
Extrait de "Simagree" de René Aubry (Ne m'oublie pas)
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Un matin j’écrirai un poème qui aura pour titre
réveil glacé
ou soleil blanc
... peu importe !
Ce sera un matin suspendu
les yeux sur la peau du ciel
du silence à effrayer la lune
le vent ne bougera pas d’un souffle
les oiseaux reposeront leurs branches
dans le blanc mélangé de leurs plumes
un homme au milieu du pré
marchera pieds nus dans la neige
vous le suivrez paisiblement
vos pas dans ses traces
ténébreuses et chaudes
vous aurez perdu
le fil noir de vos idées
dans ce matin
de brume étrange
le temps recouvrira vos oreilles
et vous entendrez
comme autrefois
bien avant votre naissance
danser les flocons
et grelotter les pierres.
Un matin j’écrirai un poème
pour faire chanter la neige
et réchauffer l’hiver.
Version audio :
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