•  

    Un jour j'écrirai un poème qui aura pour titre

    c'est la fin

    ou le début

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter 







    La rage au cœur, des milliers de gueux

    descendront sur la ville

    les uns portant poignard, d’autres le fusil.

    Dans les rues, sur les places

    retentiront les cris des bourgeois affolés

    protégeant leur maison, leur voiture, leur commerce

    et la multitude de leurs petites affaires

    amassées au cours de leur vie

    de jouissance et de profit.

    Tous les paumés, les RMIstes, les sans-papiers

    les sans-rien-du-tout

    ceux à qui il ne reste plus que la gueule

    pour hurler leur misère

    tous se vengeront, réclameront justice.

    Et l’on entendra crier pitié.

    Et l’on verra toutes ces échines friquées

    se pencher sur les restes épars d’un repas renversé.

    Peut-être, certains, dans un dernier sursaut

    un sourire hypocrite sur leur lèvre éclatée

    essaieront vainement d’acheter un instant de survie

    avant de voir s’envoler leur âme moricaude

    vers l’enfer des nantis.

    Oui, un jour, les gueux descendront sur la ville

    avec dans leur regard l’envie d’être bourgeois

    et de trouver enfin plus pauvre qu’eux.

     

    Un jour j'écrirai un poème, un jour, mais pas aujourd'hui.

    En attendant vous me laisserez bien

    finir ce foie gras avec un verre de Loupiac

    personne ne nous regarde.

     

    Version audio :




    Extrait de "Tribulations" - René Aubry (Ne m'oublie pas)
    __________



    votre commentaire

  • Un soir j’écrirai un poème qui aura pour titre

    dans les cordes

    ou prélude en la mineur

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    Nous remuerons dans nos fauteuils

    comme des oisillons au creux du nid

    attendant la becquée

    nous tousserons deux ou trois fois.

    Sur le piano la lumière

    veillera au silence

    doigts tendus au dessus des touches

    les mains seront prêtes pour la mitraille

    un court instant de recueillement

    puis elles mèneront l'offensive

    sautant reculant valsant

    entre fureur et tremblement

    douceur et suffocation

    en fugues ou ballades

    le cœur endiablé

    ne manquera pas d'assurance

    les oiseaux cachés sous les planches

    suspendront leur chant

    jusqu'à la dernière coda

    et les notes ayant quitté les touches

    nous porteront longtemps

    dans l'écho répété de leur envol.

     

    Un soir en balade j'écrirai un poème

    et je danserai la mazurka

    avec Chopin et Georges Sand.


    Version audio :

     

     

    Extrait de "Polonaise pour piano n° 5" de Chopin, par Vlado Perlmuter

    __________



    votre commentaire

  • Un jour j'écrirai un poème qui aura pour titre

    folles genèses

    ou résurgences

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter 








    Les boites sortiront du placard

    et les photos s'étaleront sur la toile cirée

    vertige d'un retour en enfance

    invention chancelante de la mémoire

    sur des corps tristement souriants

    en habits du dimanche

    le temps glissera à la surface des choses

    muet comme un tombeau

    révèlera les jours affamés

    où la misère et l'innocence

    faisaient un drôle de ménage.

    Tout se réveillera

    la rage et la honte

    l'impossible envie d'être ailleurs

    les cris et les insultes

    pour un bouton de manchette

    ou une assiettée de poireaux

    les voisins surgiront devant la porte

    dégoulinant de pitié et de mauvais sentiments.

    Flotteront quand même

    des ilots de tendresse

    les murmures d'une soupière

    sur un coin de cuisinière

    les silences devant la cheminée

    de la petite maison.

    L'amertume remplacera la haine

    les années cacheront les cicatrices

    au creux d'une armoire

    et les souvenirs en vieillissant

    deviendront à chaque fois

    un peu plus présentables.

     

    Un jour j'écrirai un poème

    pour reprendre la rougeur

    de mes racines.


    Version audio :

     


    Extrait de "Ballade pour piano n°3" de Chopin, par Vlado Perlmuter.

    __________


    votre commentaire

  • Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre

    à cœur perdu

    ou les yeux clos

    ... peu importe !

     Les textes à lire à écouter










    On regardera inlassablement par les fenêtres

    guettant la précieuse chaleur de l’hiver

    mais il n’y aura rien sur les chemins

    sauf nos souvenirs éparpillés

    ne sachant plus où s’accrocher

    on sera seul comme d’habitude

    à visage découvert

    sous un ciel froid

    le paysage sera mort avec toi

    et pourtant

    nos oreilles entendront ton rire ta voix

    on se rappellera quand tu nous embarquais

    sur les sentiers dans les sous bois

    cherchant lumière et harmonie

    du serpent arc en ciel

    on ne gommera rien de toi

    on essaiera encore de danser quelques pas

    derrière la frénésie de tes pinceaux

    on essaiera

     

    Un jour j’écrirai un poème

    pour retrouver le temps du rêve

    avec toi.


    Version audio :

     


    Extrait de "Ballade pour piano n°1 en G mineur"  de Chopin, par Vlado Perlemuter

    __________


    1 commentaire
  •  

    Un soir j’écrirai un poème qui aura pour titre

    entre les choses

    ou derrière les ombres

    ... peu importe !


     Les textes à lire à écouter








    Tout sera noir et aveugle

    dans le calme mystérieux des secrets

    nos projets effilochées disparaitront

    comme brume légère un matin d’été

    personne ne sera mort

    il n’y aura pas de valise à faire

    ni de bois à couper

    on entendra la fragile inconscience du rire

    derrière le rideau des choses

    on se contentera de respirer

    de sentir les battements du cœur

    sur l’oreiller

    les mots seront absents

    ils auront rejoint les berges humides

    où se recueillent les songes

    dans l’ombre de l’insomnie

    on découvrira la légèreté

    de l’abandon

    l’espace envahira la pensée

    ignorant les heures

    jetées au soupir de la pendule

    quelque part un enfant qui nous ressemble

    comptera les moutons en fermant les yeux

    sur le sable de la nuit

     

    Un soir très tard j’écrirai un poème

    et je m’endormirai doucement

    sur la paille tiède et sucrée d’un rêve.

     

    Version audio :

     


    Extrait de "Vesuvio solo" de Walli Badarou (Words of a mountain)

    __________


    votre commentaire
  •  

    Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre

    visage de glace

    ou la belle endormie

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter










    La lumière sera blanche

    comme l’oubli

    rien ne tremblera

    dans ton regard de cendre

    la flamme disparaitra

    ne laissant que le glaive

    le vent ne pourra franchir

    tes lèvres entrouvertes

    plus un souffle espéré

    plus de chaleur offerte

    pas le moindre mot

    transpirant de la chair.

     

    Alors je surgirai

    sur les vagues éclatées

    d’un océan d’absence

    guidé par le chant convulsif

    d’un corbeau dans le soleil dormant

    la forêt portera la couleur de mon cri

    tu remonteras doucement

    des caves marinées de l’ennui

    tes yeux

    sortiront peu à peu

    de leur hiver intime

    et

    je t’embrasserai.

     

    Un jour j’écrirai un poème

    pour te réveiller ma princesse.

     

    Version audio :


    Extrait de " The Dachstein Angels" de Walli Badarou (Words of a mountain)

    __________


    votre commentaire

  • Un matin j’écrirai un poème qui aura pour titre

    sous la cendre

    ou l’absence

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter














    Un homme avancera dans un long corridor.

    À bouche décousue

    il cherchera les mots

    accrochés à sa mémoire.

    Il maudira ses maigres larmes

    devant chaque porte close

    sa pudeur javellisée gisant sur le sol.

    Il regardera fondre le ciel

    entre ses mains décharnées

    et il sourira tristement.

    à la fenêtre éteinte.

    Comme un papillon épinglé

    sur un buvard flétri

    il ne bougera plus ses ailes

    attendra qu’on l’enferme

    dans le tiroir de sa vieillesse.

     

    Un matin j’écrirai un poème

    et mon rêve poursuivra sa course démente

    entre les draps du temps.

     

    Version audio :

     

    Extrait de " MT. Fuji and the Mime" de Walli Badarou (Words of a mountain)
    __________

    votre commentaire
  •  

    Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre

    entre les gouttes

    ou après l’orage

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter







     

    Nous marcherons encapuchonnés

    dans un pays bleu

    qui ressemblera à la Bretagne.

    Il pleuvra sur nos sécheresses

    le bonheur se lèvera de son lit de patriarche

    Mine de rien quelques mots bien trempés

    éclabousseront nos gabardines

    nous les emporterons et les mélangerons

    aux secrets boulonnés sur nos silences

    aux passerelles de l’ombre

    à notre mémoire égarée

    à tous les oiseaux de notre enfance

    et au sourire forcé du clown.

    Un nuage solitaire étirera ses dentelles

    le clapotis de nos pas

    endormira les sentiers volages

    nos amours habiteront un ciel de traine

    et chanteront dans les hortensias.

     

    Un jour j’écrirai un poème

    et la vie, simplement

    ronronnera sous l’averse.

     

    Version audio :

     


    Extrait de "Melezouriou-glav" - Denez Prigent (irvi)

    __________


    votre commentaire

  • Une nuit j’écrirai un poème qui aura pour titre

    une vie de chien

    ou chienne de vie

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter







     

    Je serai tout en haut d’une échelle

    hurlant

    à décroisser la lune

    ronde et rouge

    d’un œil excité je regarderai

    la chienne à mémère

    inaccessible

    de l’autre côté de la clôture

    ses poils lessivés, bien peignés

    ses petits nœuds

    son air malheureux.

    J’habiterai un village de montagne

    balayé par le vent de burle

    sale bâtard des hauts plateaux

    sans dieu ni maitre.

    Je marcherai comme un chien

    rêverai comme un chien

    pisserai comme un chien

    avec cette façon innocente d’être ailleurs

    en grattant l’herbe ou la poussière.

    Affamé je me rongerai les os

    mais jamais ne donnerai la papatte

    ni ramènerai la baballe ou le bâton

    je vivrai comme un chien

    crotté, pouilleux et solitaire

    libre

    de courir après ma queue

    et de renifler la merde.

     

    Une nuit j’écrirai un poème

    à faire brailler la lune.

     

    Version audio :

     

    Extrait de "Simagree" de René Aubry (Ne m'oublie pas)


    votre commentaire

  • Un matin j’écrirai un poème qui aura pour titre

    réveil glacé

    ou soleil blanc

    ... peu importe !

    Les textes à lire à écouter








     

    Ce sera un matin suspendu

    les yeux sur la peau du ciel

    du silence à effrayer la lune

    le vent ne bougera pas d’un souffle

    les oiseaux reposeront leurs branches

    dans le blanc mélangé de leurs plumes

    un homme au milieu du pré

    marchera pieds nus dans la neige

    vous le suivrez paisiblement

    vos pas dans ses traces

    ténébreuses et chaudes

    vous aurez perdu

    le fil noir de vos idées

    dans ce matin

    de brume étrange

    le temps recouvrira vos oreilles

    et vous entendrez

    comme autrefois

    bien avant votre naissance

    danser les flocons

    et grelotter les pierres.

     

    Un matin j’écrirai un poème

    pour faire chanter la neige

    et réchauffer l’hiver.

     

    Version audio :

     

    Extrait de "Pièce en forme de Habanera" de Maurice Ravel (Romance for saxophone de Brandford Marsalis)
    __________

    votre commentaire