• Ombre et clarté

    Ombre et clarté

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    C’était un jour comme les autres, sans doute un peu plus chaud. On attendait la fraîcheur de la nuit, rêvant de somnoler au creux d’un gouffre, entouré d’eau glacée.

    On était là, dans ce grand silence d’oiseaux et de ciel bleu traversé par le vol zigzaguant des papillons et le bourdonnement évaporé des mouches et des guêpes autour des fruits tombés du prunier.

    Les avions ne laissaient aucune traînée blanche dans ce bleu immobile.

    On percevait une toute petite brise dans les feuillages du tremble. Ça ressemblait à la respiration tranquille d’un nourrisson endormi sur le ventre de sa mère.

    Le soleil n’en finissait pas de sombrer à l’horizon mais il n’éclairait plus que les cimes du chêne et du tilleul devant la maison.

    Tous ces moments qui s’allongeaient sereinement entre les arbres, ce calme profond qui gagnait la nature, ça laissait les poètes sur le bord de la route. Ils ne trouvaient pas les mots à la hauteur de ces instants fugaces.

    Alors, à tout petits pas, la lumière s’est effacée et l’ombre est arrivée. Pas n’importe quelle ombre, celle qui est chevillée à nos corps et qui ne nous lâche jamais ; on la promène partout comme un chien accroché à sa laisse s’arrêtant régulièrement et déposant deux ou trois gouttes d’urine pour recouvrir l’insignifiance de nos traces.

    Brusquement j’ai eu envie de pleurer, sans véritable raison. Pleurer sur ma vie, sur le temps passé et le peu de temps à venir. Je ne savais pas d’où me venait cette mélancolie absurde, alors que ce soir-là s’étendait encore plus paisiblement que beaucoup d’autres soirs.

    J’ai repensé à cette phrase que j’avais notée dans un de mes nombreux carnets. Elle est d’Edmond Jabès dans son ouvrage « Le livre du dialogue » : « Il faut à la clarté beaucoup d’ombre pour éblouir ». J’ai ravalé mes larmes, avec une pointe de regret. J’ai esquissé une grimace pour faire ressortir un peu de joie sur mon visage, car j’entendais des enfants qui s’approchaient les bras chargés de promesses, que j’aurai voulues immortelles.


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