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Par GéHa le 30 Décembre 2018 à 19:57
Je voudrais simplement
j’insiste, simplement
une jolie maison au bord de quelque chose
mais pas trop au bord quand même - il faut laisser de l’espace libre pour que jouent les enfants, qu’ils se mélangent, chantent et crient avec les oiseaux - au bord d’un quelque chose qui ressemblerait à une mer bleue et transparente sans plastique, sans déchets, sans trainée de pétrole
une mer farouche remplie de poissons et de belles histoires de sirènes, de voyages
dans cette jolie maison il y aurait
des gens ordinaires qui auraient un peu peur de l’amour
une très vieille dame entourée de petits chats gris comme ses yeux
il y aurait aussi une petite fille déguisée en princesse avec des larmes brillantes dans ses cheveux
quelques poèmes accrochés dans un grand bouquet d’herbes sauvages
plusieurs verres de vin blanc sur la toile cirée de la table de la cuisine
des paires de pantoufles toutes mélangées au pied d’un escalier en pierre
une fenêtre ouverte sur un jardin couvert de fleurs où se reposerait une très belle et troublante inconnue avec un chapeau jaune et noir
et devant la porte de la maison il y aurait
un cheval boiteux et sa petite carriole pleine de foin
un arbre blanc, très haut, doucement balancé par le vent et l’on percevrait à travers les branches la chanson de Léo Ferré « Avec le temps »
au loin on remarquerait une colline verte entourée d’un nuage de rêves sombres et mal réveillés
et plus loin encore, mais on ne la verrait pas, il y aurait la misère, en train de bouffer sa soupe (et sa colère) froide et ça ferait des grands slurp comme dans la chanson de Jacques Brel, mais on n’entendrait rien, trop occupés que nous serions à déguster notre foie gras après avoir déballé nos cadeaux inutiles.
Finalement, j’insiste,
finalement, je ne la voudrais pas cette jolie maison !
Je crois que je vais retourner avec celles et ceux qui font du bruit en avalant leur soupe et leur colère (jaune... et noire !).
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Par GéHa le 6 Novembre 2018 à 16:17
Vieux, très vieux
peau creusée par le temps
peau flasque qui s’écroule
se souvient
de tout ce qui a été dévoré
par les chiens au fil des années.
Vieux, très vieux
avec des mots tordus
mort-murés
dit des choses qui inquiètent
oblige à regarder la mort
exactement
précisément notre mort
qui se tient sur le seuil.
Regardez-le
un souffle
et il s’envole
dans la lumière ou l’obscurité
on ne sait pas
on ne saura jamais.
Pleurez si vous voulez
si vous pouvez
larmes ou caresses
ne changeront rien
il y aura des soirs
il y aura des matins
anéantis
engloutis.
En rire
encrer encrier
écrire la nuit avenir
ravalement de façade
mais voir les oiseaux
se fracasser sur nos vitres
teintées d’inconscience
abandonner les mots insignifiants
jeter la parole
sur des sentiers impraticables
ici ou ailleurs
quelque chose de noué
dans la gorge
langue étrangère
noyée en mer des sarcasmes.
Et aussi, aussi
nous serons nus
sans autre peau que la colère
colère de passage
attrape nigauds
immense chagrin
dans les yeux bleus
d’un ciel sauvage.
Mais surtout, surtout
nous pourrons peut-être
chanter dans les cimetières
mariner entre les tombes
en compagnie des particules
entre jouissance et mélancolie
partager la folie du vent
sur nos épaules
endormies
en ouvrant les plis de nos rêves.
Et encore, encore
même si l’improbable est certain
il sera toujours temps d’apprendre
le sable et la vague
la cicatrice et la plaie
l’ombre et le feuillage
la pluie et le sanglot
la mort et l’horizon
Et puis enfin, enfin
une vieille femme dans la neige
ses yeux comme deux lacs verts
l’aube dans ses cheveux.
"Nuages" de Django Reinhardt
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Par GéHa le 2 Octobre 2018 à 14:56
Je vous parle d’Aznavour (Shahnourh Varinag Aznavourian)
de Tristan Tzara, de Zinedine Zidane, de Fernando Arrabal,
de Tahar Ben Jelloun, de Tcheky Kario, de Rachid Taha,
de Django Reinhardt, de Leïla Slimani.
Je vous parle de tous ces français avec des noms étranges
de la dernière chronique de François Morel sur France inter
et d’Annie Cordy (Léonie Cooreman) qui n’est pas encore morte.
Je vous parle de tout ce qui se mélange
des courants d’air entre deux portes
des douces chaleurs de l’automne
des dernières guêpes dans nos assiettes.
Je vous parle de ce qui va trop vite ou trop lentement
de l’orgueil des hommes et de l’étonnement des enfants
du mystère imperceptible de la vie.
Je vous parle des amours impossibles
des seigneurs de la guerre
de mes parents et de mes amis sous la terre
de la rougeur d’un soir d’octobre
d’un ciel rempli de trainées d’avions.
Je vous parle des histoires oubliées
de la belle et la bête
de Blanche Neige et de son nain très enrhumé
de la tristesse de Chopin
et de la chevauchée des Valkyries.
Je vous parle de la nature sacrifiée
des couleuvres avalées par Nicolas
du cri de la hulotte sur le toit de la grange
de celles et ceux qui arrivent au pouvoir et s’en délectent.
Je vous parle du crépuscule des dieux.
Je vous parle de celui qui grimpe avec audace
mais qui n’arrive jamais au sommet
je vous parle de celui qui cherche désespérément l’ascenseur prétendument social
et qui dégringole plus bas que terre
persuadé que tout est de sa faute, de sa très grande faute
et c’est pourquoi il supplie la toujours Vierge, les Michel, Gabriel et Raphaël ainsi que tous les saints sacrés, de le conduire à la vie éternelle.
Je vous parle de ceux qui disent « Amen » à tout et à n’importe quoi.
Pour accompagner la lecture :
"La marseillaise" de Stéphane Grappelli et Django Reinhardt
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