• Une femme

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    C'est l'histoire d'une femme. Elle habite un pays rempli de moutons et de mots débordants de consonnes.

    Elle est brune, grande et très maigre. Elle marche vite, avec ses lunettes noires et ses petites chaussures trempées. Elle voudrait aller encore plus vite mais il y a les autres qui grimpent cette colline verte et humide. 

    La brume cache le soleil. Les talons s'enfoncent dans le sol boueux. On regarde au loin, derrière les arbres, à la recherche d'un sentier un peu plus sec. On s'arrête un instant sur le bord d'un lac. Il y a de petits bancs de bois autour d'un reste de feu. Elle essuie ses pieds nus avec un mouchoir en papier, puis repart.

    Elle dit : "Je suis terrifiée par la vie, ça me réveille la nuit". Elle dit ces mots avec sa voix un peu couverte par les larmes. Un sourire envahit son visage mais c'est un sourire immensément triste, un sourire de politesse désespérée, un sourire figé avec des yeux rouges.

    Elle dit : "A quoi ça sert tout ce qu'on fait entre la naissance et la mort, du matin au soir, tout ce qu'on fait avec ce corps ? Oui, je sais, je ne vois que le négatif, toujours, On n'arrête pas de me le dire."

    Elle dit cela en marchant. On voudrait la suivre, la retenir, la prendre dans nos bras.

    Mais elle n'est pas sur le même chemin que nous.

    Et son sourire est une morsure.

     

    Version audio :

     

    Extrait de "Arabian girl" de "Oasis de détente"

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  • Dis-moi l'oiseau

     

    Dis moi l'oiseau

    toi qui connais la solitude du vent

    et la parole tremblante de la nuit

    toi qui accroches ton chant

    aux feuilles de l'arbre mort

    toi qui tournes et voles sans fin

    et te relèves de tous les hivers

    est-ce que tu dors dans ton ciel

    quand l'enfant vole les nuages

    et joue à cache cache avec la pluie ?

     

    Dis moi l'oiseau

    que vois tu dans l'œil du phare

    pendant que les naufragés, les oubliés

    se noient dans nos mirages ?

     

    Dis moi l'oiseau

    devons nous redouter

    la douceur de tes plumes

    ou peux-tu nous aider

    à faire que nos mots

    ne se cognent plus

    contre les murs ?

     

    Version audio :

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  • La mer ? Tu la vois ?

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La mer

    Tu la vois ?

    Avec son calme et sa couleur d'horizon.

     

    Elle roule avec le vent, dévore nos mensonges et met nos fragiles solitudes sous tutelle. Elle étale sa tendresse sur le sable blanc, écarte ses jambes chargées de mousse.

     

    La mer

    Avec la force et le galop de ses vagues.

     

    Qu'il ferait bon se cacher sous ses jupes ambrées loin des chagrins inutiles, s'endormir et rêver d'une nouvelle étoile sur nos jeunesses retrouvées.

     

    La mer

    Avec ses colères et les pétales blancs de ses voiles.

     

    On rangerait pour toujours couteaux et fusils au fond d'un grenier, oubliant massacres, tueries, calculs et complots. On parlerait d'amour et de liberté, d'égalité et de justice, d'accueil et de fraternité, d'espoir.

    Nous serions des hommes qui ne marchent plus dans le sang des autres.

     

    La mer

    Avec ses flots tremblants où scintillent les voyages.

     

    On oublierait les briseurs de (g)rêves, les naufrages vertigineux et les ailes repliées de la mort quand la nuit promène sa douleur.

    On attendrait le soleil afin de pouvoir cueillir "un de ces fils d'or pour ourdir nos journées"(1).

     

    La mer

    Je la vois. Elle est en moi.

     

    Elle fait danser le ciel et invente la lumière.

     

    (1) Marceline Desbordes-Valmore

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