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Je voudrais...
Je voudrais simplement
j’insiste, simplement
une jolie maison au bord de quelque chose
mais pas trop au bord quand même - il faut laisser de l’espace libre pour que jouent les enfants, qu’ils se mélangent, chantent et crient avec les oiseaux - au bord d’un quelque chose qui ressemblerait à une mer bleue et transparente sans plastique, sans déchets, sans trainée de pétrole
une mer farouche remplie de poissons et de belles histoires de sirènes, de voyages
dans cette jolie maison il y aurait
des gens ordinaires qui auraient un peu peur de l’amour
une très vieille dame entourée de petits chats gris comme ses yeux
il y aurait aussi une petite fille déguisée en princesse avec des larmes brillantes dans ses cheveux
quelques poèmes accrochés dans un grand bouquet d’herbes sauvages
plusieurs verres de vin blanc sur la toile cirée de la table de la cuisine
des paires de pantoufles toutes mélangées au pied d’un escalier en pierre
une fenêtre ouverte sur un jardin couvert de fleurs où se reposerait une très belle et troublante inconnue avec un chapeau jaune et noir
et devant la porte de la maison il y aurait
un cheval boiteux et sa petite carriole pleine de foin
un arbre blanc, très haut, doucement balancé par le vent et l’on percevrait à travers les branches la chanson de Léo Ferré « Avec le temps »
au loin on remarquerait une colline verte entourée d’un nuage de rêves sombres et mal réveillés
et plus loin encore, mais on ne la verrait pas, il y aurait la misère, en train de bouffer sa soupe (et sa colère) froide et ça ferait des grands slurp comme dans la chanson de Jacques Brel, mais on n’entendrait rien, trop occupés que nous serions à déguster notre foie gras après avoir déballé nos cadeaux inutiles.
Finalement, j’insiste,
finalement, je ne la voudrais pas cette jolie maison !
Je crois que je vais retourner avec celles et ceux qui font du bruit en avalant leur soupe et leur colère (jaune... et noire !).
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