• Et nous voilà...

     

     

     

     

     

     

     

    Et nous voilà sous un ciel de neige

    les oreilles dans le bourdonnement

    d'un train immobile

    et les yeux agrippés à l'éclat

    d'une colline lactescente.

    Quelques flocons voltigent encore

    au dessus de cette gare improbable.

    La neige a bloqué les aiguilles.

    Nous sommes dans l'épaisseur du temps.

    Nous avons renoncé à prendre

    les commandes de la grande vitesse

    qui gomme les paysages

    et les fait ressembler à un défilé de mode

    en accéléré.

    Nous sommes à fleur de peau,

    guettant la caresse de l'imprévu.

    Un renard fier et arrogant

    promène ses couleurs

    dans un immense champ blanc;

    un toit fume derrière un mince rideau d'arbres;

    un voyageur sourit lorsque nos regards se croisent.

    Nous avons en nous

    cette rivière transparente

    qui s'amuse et babille entre les pierres.

    Alors, pourquoi pleurer,

    trépigner, mordre ou rugir

    à la gueule d'un téléphone portable.

    Y a-t-il du temps qui se perd,

    qui s'envole comme ça,

    sans que personne ne s'y accroche,

    du temps avec rien autour?

    Nous avons devant nous

    un matin descendu de sa branche

    et deux petits pieds qui se bousculent

    dans le ventre d'un printemps à venir.

    La beauté est dans l'instant.

    Nous parviendrons à la tenir

    un peu au creux des mains,

    puis nous soufflerons sur ses ailes

    pour qu'elle rejoigne,

    si elle le veut bien,

    le chant des oiseaux

    et le rêve des enfants

    dans nos jardins intimes.

    Nous serons fatigués,

    d'une fatigue douce et tiède.

    Et tout recommencera.

    Le temps ronronnera à nouveau.

    L'invisible sera derrière nous

    et nous attendrons qu'il nous rattrape.

    Nous marcherons droit

    en respirant la terre

    et en clignant des yeux dans la lumière.

    Nous n'aurons aucun regret.


    Pour accompagner la lecture :

     

    Mozat, concerto n° 27

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  • Je rêve encore

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La nuit quand tout dort

    Moi je rêve encore

    En avant l'imagination

    Vive la grande récréation

    Pour moi la nuit

    C'est pain bénit.

     

    Je rêve aux mots qui vont tomber

    Comme des plumes sur l'oreiller

    Je pense à toi, surtout à moi

    À tout ce qui n'arrivera pas

    Dans ma caboche ébouriffée

    Les idées se mettent à valser.

     

    Je deviens roi ou bien soldat

    Marchand de sable ou de gravats

    Je cours et je m'envole

    Sur le toit d'une école

    Essayez donc de m'attraper

    Je vous balance un pied de nez.

     

    Je fais même du patin à glace

    Entre deux fusées dans l'espace

    Je finis par me retrouver par terre

    Sans doute à cause de Voltaire

    Et si la nuit me recouvre de son manteau

    C'est la faute à Jean Jacques Rousseau.

     

    Le matin quand le monde est réveillé

    Je dors encore à poings fermés.


    Pour accompagner la lecture :

     

    I rememmber Jimmy Yancey-Boogie woogie &blues

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  • Passages

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Épaves abandonnées sur la vase de l'estuaire

    bateaux au détour du sentier

    squelettes posés les bras ballants

    désarticulés

    caressant la marée qui s'éloigne

    leur vie leur sang

    s'échappe de leur flanc noir.

    S'asseoir sur le petit banc

    qui borde le passage

    attendre que l'eau

    - leur vie leur sang -

    revienne lentement

    recouvrir leur carcasse

    usée de rouille et de sel

    ossements tremblants

    dans la lumière liquide

    qui les abreuve.

    Chaque jour.

    Ils perdent un peu de vie

    un peu de sang

    au fil d'un temps marin

    qui grignote inexorablement

    l'ombre de leur trace

    et mêle le sang des morts

    à celui des vivants.

    Fragile dédicace

    tout en haut d'un poème.


    Pour accompagner la lecture :


    Liz Story ; In a sentimental mood

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