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Par GéHa le 23 Avril 2012 à 18:00
Et nous voilà sous un ciel de neige
les oreilles dans le bourdonnement
d'un train immobile
et les yeux agrippés à l'éclat
d'une colline lactescente.
Quelques flocons voltigent encore
au dessus de cette gare improbable.
La neige a bloqué les aiguilles.
Nous sommes dans l'épaisseur du temps.
Nous avons renoncé à prendre
les commandes de la grande vitesse
qui gomme les paysages
et les fait ressembler à un défilé de mode
en accéléré.
Nous sommes à fleur de peau,
guettant la caresse de l'imprévu.
Un renard fier et arrogant
promène ses couleurs
dans un immense champ blanc;
un toit fume derrière un mince rideau d'arbres;
un voyageur sourit lorsque nos regards se croisent.
Nous avons en nous
cette rivière transparente
qui s'amuse et babille entre les pierres.
Alors, pourquoi pleurer,
trépigner, mordre ou rugir
à la gueule d'un téléphone portable.
Y a-t-il du temps qui se perd,
qui s'envole comme ça,
sans que personne ne s'y accroche,
du temps avec rien autour?
Nous avons devant nous
un matin descendu de sa branche
et deux petits pieds qui se bousculent
dans le ventre d'un printemps à venir.
La beauté est dans l'instant.
Nous parviendrons à la tenir
un peu au creux des mains,
puis nous soufflerons sur ses ailes
pour qu'elle rejoigne,
si elle le veut bien,
le chant des oiseaux
et le rêve des enfants
dans nos jardins intimes.
Nous serons fatigués,
d'une fatigue douce et tiède.
Et tout recommencera.
Le temps ronronnera à nouveau.
L'invisible sera derrière nous
et nous attendrons qu'il nous rattrape.
Nous marcherons droit
en respirant la terre
et en clignant des yeux dans la lumière.
Nous n'aurons aucun regret.
Pour accompagner la lecture :
Mozat, concerto n° 27
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Par GéHa le 31 Mars 2012 à 09:16
La nuit quand tout dort
Moi je rêve encore
En avant l'imagination
Vive la grande récréation
Pour moi la nuit
C'est pain bénit.
Je rêve aux mots qui vont tomber
Comme des plumes sur l'oreiller
Je pense à toi, surtout à moi
À tout ce qui n'arrivera pas
Dans ma caboche ébouriffée
Les idées se mettent à valser.
Je deviens roi ou bien soldat
Marchand de sable ou de gravats
Je cours et je m'envole
Sur le toit d'une école
Essayez donc de m'attraper
Je vous balance un pied de nez.
Je fais même du patin à glace
Entre deux fusées dans l'espace
Je finis par me retrouver par terre
Sans doute à cause de Voltaire
Et si la nuit me recouvre de son manteau
C'est la faute à Jean Jacques Rousseau.
Le matin quand le monde est réveillé
Je dors encore à poings fermés.
Pour accompagner la lecture :
I rememmber Jimmy Yancey-Boogie woogie &blues
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Par GéHa le 29 Mars 2012 à 10:39
Épaves abandonnées sur la vase de l'estuaire
bateaux au détour du sentier
squelettes posés les bras ballants
désarticulés
caressant la marée qui s'éloigne
leur vie leur sang
s'échappe de leur flanc noir.
S'asseoir sur le petit banc
qui borde le passage
attendre que l'eau
- leur vie leur sang -
revienne lentement
recouvrir leur carcasse
usée de rouille et de sel
ossements tremblants
dans la lumière liquide
qui les abreuve.
Chaque jour.
Ils perdent un peu de vie
un peu de sang
au fil d'un temps marin
qui grignote inexorablement
l'ombre de leur trace
et mêle le sang des morts
à celui des vivants.
Fragile dédicace
tout en haut d'un poème.
Pour accompagner la lecture :
Liz Story ; In a sentimental mood
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