• J'hésite

     

     

     

     

     

    Souvent j’hésite

    la pluie ou le beau temps

    faire l’amour ou autre chose

    je n’ai pas de préférence.


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  • L'amour est un petit sac de poussière

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’amour est un petit sac de poussières

    un rai de lumière

    derrière la fenêtre

    qu’on aspire à tord et à travers

    faudrait fermer les yeux

    se pincer le nez

    balancer des paroles en l’air

    dans un ciel gris et sale

    un peu bleuté

    des petits mots dépareillés

    comme des larmes

    dans un cendrier

    dire qu’on n’est pas complètement

    perdus

    enfin, je crois, qu’on ne l’est pas

    perdus complètement

     

    mais voilà que me reprend

    l’envie de pleurer.


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  • Incohérent

     

     

     

     

     

     

     

    Mon corps

    chaos

    incohérent

    à bout de souffle

    mais ça chemine encore

    dans l’envie de jouir

    entre deux sourires

    mal négociés

    et une caresse assoiffée

    c’est lourd et lent

    mais ça chemine

    pas finie la rigolade

    juste avant le bouquet final

    le numéro n’est pas inconnu

    il faut répondre

    sans décrocher

    pas facile de tout combiner

    faire croire que ça ronronne

     

    non

    la mère Michèle n’a pas perdu

    son chat.


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  • Mouches

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Sur la table une tarte aux pommes

    et des mouches

    qui viennent chier sur la pâte

    drôle d’anniversaire

    c’est pas les bougies qu’on va compter

    je leur balance ma fumée bleue

    dans les pattes

    je fulmine

    mais elles reviennent

    elles aiment cette tarte

    aux pommes

    bleues comme une orange

    partout les mouches

    partout

    elles vont pondre des asticots

    sur nos vieilles carcasses

    nous bouffer

    jusqu’à l’os

     

    ne pas chanter trop fort

    joyeux anniversaire

    surtout ne pas garder la bouche ouverte.


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  • On se console comme on peut

     

     

     

     

     

     

    On se console comme on peut

    petite lumière au bout de la nuit

    poupée de chiffon sur l’oreiller

    médicaments au fond d’un verre

    dieu tout puissant

    c’est bien joli

    sauf qu’on n’y croit pas

    ou juste un peu

    pas suffisamment

    pour renverser la mécanique

    des ombres craintives

    mais je ne pleure pas

    je continue ma route

    à petits pas vers la mort

    je me remets à fumer

    des cigarettes bleutées

    je tousse

    je tousse

    je ne pleure pas

    je suis prêt à m’accrocher

    à n’importe quoi

    une main

    un sourire

    un cri

    un poème

     

    je n’ai plus peur du ridicule.


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  • Je voudrais mourir

     

     

     

     

     

     

    Je voudrais mourir dans un endroit gratuit

    sans rupture et sans souffrance

    sans fleur ni couronne

    sans haine et sans crainte

    sans compas ni crayon, ni double décimètre

    rien qui permette de compter ou calculer

    - peut-on mesurer la violence d’un chagrin

    ou la puissance d’une histoire d’amour ?

     

    Je voudrais mourir dans un endroit calme

    où, sur des panneaux lumineux, les horaires de départs

    se confondraient avec les horaires d’arrivées

    où le silence pourrait s’apprécier en chants d’oiseaux

    où, dans le murmure léger du vent, j’entendrai Jean-Louis Trintignant

    me dire à l’oreille quelques poèmes de Desnos ou de Prévert.

     

    Je voudrais mourir dans un endroit ouvert

    avec de l’océan, des vagues et des rochers

    de longues plages de sable blanc

    j’aimerais bien qu’il y ait aussi un peu de brume

    et surtout de l’amour que l’on pourrait deviner

    derrière chaque brin d’herbe

    avec des regards perdus sur l’horizon

    et la lumière clignotante d’un phare

    (un éclat blanc toutes les 15 secondes)

    et

    il serait 19h48 un vendredi soir de septembre.

     

     

    Merci à Pauline Picot à qui j'ai emprunté les "entrées" de chaque paragraphe


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  • Un jour (encore)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un jour j’inventerai un poème qui aura pour titre :

    les pierres se souviennent

    ou …des pierres dans mon jardin

    peu importe !

     

    J’habiterai un pays peuplé de poètes

    ensevelis sous les bombes

    j’écrirai avec des mots trempés dans le sang

    l’histoire de Farid, Ahmed, Yasmina et Jacob

    d’Isaac, Myriam et Sarah

    et aussi celle de David

    dans l’ombre douce d’un arbre mort

    immobile, apaisé

    les mains au fond des poches

    David, luttant contre Goliath

    David, attendant le miracle

    tout au long du chemin de ses années

    il aura le regard piquant comme le yucca

    dans un jardin de Palestine

    guettant ses premières fleurs

    malgré les éclairs bleutés sur les ruines

    et l’écho violent des explosions

    il gardera l’espoir fragile

    de l’oiseau perché sur des barbelés

    dont l’œil étincelle au soleil matinal

     

    Oui, un jour j’écrirai un poème

    un poème empli de tendresse

    pour vous mes frères et mes sœurs

    là bas dans vos pays barbouillés de rouge.


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  • Un jour (colère)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le poète palestinien Refaat Alareer est mort le 8 décembre dans une frappe israélienne survenue dans la bande de Gaza.

     

     

    Un jour j’écrirai un poème qui aura pour titre

    les mains pleines de rage

    ou de pierres

    ou de terre

    ou de sang

    ... peu importe !

     

    Chaque jour dans ce pays d’exil

    l’amour sera dépouillé écorché

    dépiauté à l’ombre des chiens

    les fleurs d’amandiers auront perdu

    le parfum des collines

    et nous apercevrons la fièvre

    tout au bout des canons

    le désert habitera une chaleur tremblante

    un homme

    quittant le regard affamé des mouches

    marchera sur des routes vagabondes

    la poussière avalera ses pas

    étranges et mesurés

    un homme

    sortira du miroir tendu de la terre

    crachera sur les murs

    en criant Palestine

    avec pour seule arme

    quelques noyaux d’olive

    un homme...

    un jour...

     

    Un jour j’écrirai un poème

    qui fera tomber les murs.

     

    (Poème déjà mis sur le blog il y a 14 ans !)


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  • Ombre et clarté

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    C’était un jour comme les autres, sans doute un peu plus chaud. On attendait la fraîcheur de la nuit, rêvant de somnoler au creux d’un gouffre, entouré d’eau glacée.

    On était là, dans ce grand silence d’oiseaux et de ciel bleu traversé par le vol zigzaguant des papillons et le bourdonnement évaporé des mouches et des guêpes autour des fruits tombés du prunier.

    Les avions ne laissaient aucune traînée blanche dans ce bleu immobile.

    On percevait une toute petite brise dans les feuillages du tremble. Ça ressemblait à la respiration tranquille d’un nourrisson endormi sur le ventre de sa mère.

    Le soleil n’en finissait pas de sombrer à l’horizon mais il n’éclairait plus que les cimes du chêne et du tilleul devant la maison.

    Tous ces moments qui s’allongeaient sereinement entre les arbres, ce calme profond qui gagnait la nature, ça laissait les poètes sur le bord de la route. Ils ne trouvaient pas les mots à la hauteur de ces instants fugaces.

    Alors, à tout petits pas, la lumière s’est effacée et l’ombre est arrivée. Pas n’importe quelle ombre, celle qui est chevillée à nos corps et qui ne nous lâche jamais ; on la promène partout comme un chien accroché à sa laisse s’arrêtant régulièrement et déposant deux ou trois gouttes d’urine pour recouvrir l’insignifiance de nos traces.

    Brusquement j’ai eu envie de pleurer, sans véritable raison. Pleurer sur ma vie, sur le temps passé et le peu de temps à venir. Je ne savais pas d’où me venait cette mélancolie absurde, alors que ce soir-là s’étendait encore plus paisiblement que beaucoup d’autres soirs.

    J’ai repensé à cette phrase que j’avais notée dans un de mes nombreux carnets. Elle est d’Edmond Jabès dans son ouvrage « Le livre du dialogue » : « Il faut à la clarté beaucoup d’ombre pour éblouir ». J’ai ravalé mes larmes, avec une pointe de regret. J’ai esquissé une grimace pour faire ressortir un peu de joie sur mon visage, car j’entendais des enfants qui s’approchaient les bras chargés de promesses, que j’aurai voulues immortelles.


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  • Etrange pensée...

     

    Une étrange pensée me vient à l’instant

    et s’il

    s’il ne pleuvait jamais plus

    oui

    jamais la moindre

    la moindre goutte de pluie

    pendant tout l’été

    à partir de maintenant aujourd’hui

    aujourd’hui au début du mois de juin

    comme une punition infligée par

    par un Dieu écolo ou

    ou un diable vengeur

    avec tout ce qu’on a fait à notre pauvre planète

    les avions les camions les autoroutes les nitrates les élevages industriels les gaspillages les dépôts de plastiques dans les océans tous les

    les hydrocarbures les carrières de métaux lourds précieux rares et tout le reste

    tellement tellement de

    et nos longues impatiences nos folles envies nos drôles de besoins

    nos besoins fabriqués de toute pièce pour

    pour quoi

    rien de nécessaire d’indispensable

    rien d’essentiel à la vie

    la vie de tout le monde les hommes les femmes les enfants les arbres les

    les fleurs les insectes les champignons les oiseaux

    tout

    tout ce qui est sur la terre dessous dans l’air dans l’eau

    maudits sommes nous d’avoir tué la nature

    à petit feu puis à grand

    à très grand feu notre terre mère

    trop tard pour pleurer

    pour recoudre le soleil

    caresser admirer traverser les nuages chargés de pluie de  neige de grêle ou de

    de giboulée de brouillard de

    trop tard

    alors punis

    plus une goutte en été

    possible

    plus une goutte d’eau

    eau secours

    on va craqueler devenir sec brûler comme de la paille

    foutue paille

    pas un grain de prévoyance d’intelligence de respect de

    de lucidité

    pas un gramme

    bon bon bon

    heureusement on a encore de la réserve on a pompé pompé pompé dans les nappes

    rempli les piscines les bassines les mégas bassines

    et si

    si ça ne suffit pas on fera des

    des prières à tous les saints Patern Médard et surtout

    Sainte Soline


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