•  Dominioni

    Jacques

    tu as franchi les dernières murailles

    il n'y a plus personne ici

    il n'y aura jamais personne

    pourtant nous serons remplis de souvenirs

    qui navigueront au plus près de tes rivages

    nous verrons tes yeux perçants et rieurs

    nous entendrons trinquer les notes d'une musique colorée

    symphonie invisible pour tableau en furie

     

    pourtant nous verrons toujours sur tes toiles

    le bouillonnement de la chair

    et la folle ivresse de la lumière

    nous remplirons le ciel

    de rouge, de vert, de jaune et de gris

    pendant des heures

    avant de te retrouver un jour

    dans ce grand silence blanc

    qui nous fait si peur.

     

    Pour accompagner :

     

    "Bella ciao" Legends of the Italian lounge (Tom Torriglia)

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  •  Quel calvaire !

    Ils m'ont descendu, ont refait une grosse croix en béton armé. Ils m'ont gratté, frotté, lessivé, décapé et repeint à l'antirouille ! blanc métallisé ! Je pensais qu'ils allaient me libérer. Mais non, ils sont bien trop attachés à leurs traditions, surtout ici, dans cette petite commune où la moindre pensée originale est suspecte. 

    Et je suis à nouveau exposé à cinq mètres de hauteur, presque nu, dans cette position de souffrance absolue; cloué comme un vulgaire brigand sur la croix du sacrifice. Quel calvaire ! 

    Pourquoi mettre ainsi à tous les carrefours ce symbole de torture ? Ah, la religion ! Ils disent que c'est moi qui l'ai inventée; n'importe quoi, je n'ai rien à voir avec leur cinéma. "Eli, Eli, ils sont devenus fous" ! 

    J'en vois passer sur les chemins ! à pieds avec leurs petits bâtons pointus, à cheval laissant du crottin sur la route (et d'ailleurs plus personne ne le ramasse pour engraisser les géraniums), en scooter ou en vélo, en voiture avec le "boum-boum" de leur radio débile, en tracteurs qui vont bientôt être plus hauts que ma croix. Plus personne ne fait attention à moi, je fais partie des meubles! 

    Jusqu'au jour où, un petit vieux ou une petite vieille me trouvera un peu terni, sali, rouillé et, à nouveau, au nom du patrimoine, ils vont demander une subvention à la municipalité et me descendre pour me retoiletter. Patrimoine ! Laissez moi rire ! si encore j'étais comme ces sculptures en granit que l'on trouve à la croisée des chemins bretons ou limousins, avec des personnages, des animaux, de la vraie vie quoi, du travail d'artiste. Mais non! Les jours défilent et je reste accroché sur ce béton, à contempler les saisons. 

    Ce matin, ils étaient quatre, à pieds; mais cette fois-ci ils m'ont regardé, se sont arrêtés et l'un d'eux a raconté mon "nettoyage"; ils riaient mais ce n'est pas de moi qu'ils se moquaient. Puis ils sont repartis et le jour s'en est allé, gris et laid. Tous les jours s'en vont et moi, je demeure. 

    Jusques à quand mon Dieu ?

     

    Pour accompagner la lecture :

     

     

    Extrait de "Capella Gregoriana"

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