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Tu me dis :
Derrière le mur je suis seul, impossible de passer de l'autre côté pour voir une autre lumière, découvrir un autre monde. Pourquoi ne puis-je traverser ?
Je te dis :
À quoi servent tes larmes ? Ce mur c'est toi qui l'as construit, à coups de mots, à coups d'arrêts et de jugements, chaque jour un peu plus haut, chaque jour un peu plus solide.
Tu me demandes encore :
Aide moi ! Toi qui as réussi à le franchir. Dis moi comment faire. J'ai beau chercher, cogner, sauter, rien ne s'ouvre, rien ne s'écroule... Aide-moi, je t'en prie.
Je te réponds :
Non, je ne peux pas t'aider. Ce mur est dans ta tête. C'est à toi de le faire tomber. Soulève tes paupières, ouvre les bras, regarde vraiment autour de toi.
Et tu continues à parler, à pleurer, à crier :
Mais je ne peux pas. Il n'y a personne, que moi, moi et moi...
Alors je te dis :
Mais regarde je suis là, moi.
Version audio :
Extrait de "Tableau d'une exposition" de Moussorsky - Piano Julius Katchen (Decca)
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Andrée Chedid, en avril 2010.
Photo : Stéphane Béchaud / Opale / Flammarion
J’ai traversé le Rien
Aux jours de mon enfance
Déchiffrant la mort
En nos corps d’argile
Et de brièveté
J’ai récusé l’orgueil
Disloqué les triomphes
Dévoilé notre escale
Et sa précarité
Cependant j’y ai cru
A nos petites existences
A ses saveurs d’orage
Aux foudres du bonheur
A ses éveils ses percées
Ses troubles ou ses silences
A ses fougues du présent
A ses forces d’espérance
Au contenu des heures
J’y ai cru tellement cru
Aux couleurs éphémères
Aux bienfaits de l’aube
Aux largesses des nuits
Oubliant que plus loin
Vers les courbures du temps
L’explosion fugace
Ne laissera aucune trace
De nos vies consumées
Et qu’un jour notre Planète
A bout de souffle
Se détruirait
Andrée Chédid, Le Rien.in Rythmes, éd. Gallimard, 2003
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ne plus tricher
ne pas penser
à l'ombre terne
au dernier souffle
ni aux graviers
dans les allées
non
juste marcher
d'un pas plus long
pour arriver
tout feu tout flamme
dans la lumière
équilibrée
endimanchée
oui
endimanchée
comme un premier
communiant
qui joint les mains
sans faire semblant
et attendre
je veux attendre
une nuit moins noire
ou un soleil
un peu plus jaune
attendre un rire
à l'intérieur
du cœur humide
de la vieillesse
et des rêves
en devenir
attendre ce qui
finira bien
par arriver
être dans un
état de grâce
perpétuelle
innocent et
consolé de
tous les gris
et des noirceurs
de la vie.
Version audio :
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