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Matin de brume
dans un aveugle lointain
matin qui hurle en silenceà tâtons sur l'horizon
matin en panne
enfermé dans les ténèbres
emporté à la dérive
à contre courant
d'une aventure à inventer
matin échoué sur le sable noir
d'un rêve de naufrage
matin qui s'amuse
avec mes pelotes de nerfs à vif
matin mal réveillé
avec rimettes au coin des yeux
du soufre au cœur
et de la vague à l'âme
matin auquel il manque une marche
à l'escalier (il va falloir sauter)
matin mutin
joueur espiègle de giboulée
et d'arc en ciel
matin de rosée verte
de jonquilles et de violettes
matin extrême où les mots se taisent
devant un océan d'oiseaux...
Mille et un matins
de poèmes à venir.
Version audio :
Extrait de "Deux petits chaussons " de Charles Chaplin - Cigalia à l'orgue de barbarie
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Un matin j'écrirai un poème qui aura pour titre
sourire blanc
ou le chant des sirènes
... peu importe !
Bien amarré dans un silence
de coquillage
je poserai les pieds
sur des rochers que le ciel
aura pondu dans son miroir.
Je n'entendrai rien d'autre
qu'un silence habillé de clapotis
et la plainte monotone
de la corne de brume
Dans les rondeurs du brouillard
je devinerai l’exclamation suspendue
d’un phare.
Au milieu de la jetée un goéland
regardera la mer puis s'envolera
en criant comme un fou.
Les vagues s'allongeront mollement
sur des galets endormis.
Quelques écueils sortiront de leur chagrin
et se chevaucheront dans un coït immobile
ils secoueront leurs gouttelettes d'argent
sous un pâle soleil voilé.
J'attendrai que le jour ouvre son grand rideau
derrière les maisons du port
comme une cascade d'ombres brillantes.
J'attendrai les cris envoutants
des sirènes.
Un matin j'écrirai un poème
et j'aurai soif de houle
et de tempête.
Version audio :
Extrait de "Gymnopédie n°3" d'Erik Satie - Brandford Marsalis (Romance for saxophone)
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Une nuit j'écrirai un poème qui aura pour titre
désirs inassouvis
ou libido dissolue
... peu importe !
Tu seras là devant moi
comme une avant-dernière pensée
et je te prendrai dans un tableau
sur un thème de Jean Cocteau
avec Satie au piano.
Sur un mur ou un vaisseau
sur un arbre ou sur un pont
je te prendrai
en tous sens, à quatre mains.
Distinguée, désagréable
héroïque ou desséchée
flasque et dégoûtée
je te prendrai
en manière de commencement.
En prélude ou matinale
en redite, en prolongement
en sports et divertissements
je te prendrai
en parade
et même en habit de cheval.
Oui, je te prendrai
immensément.
Une nuit j'écrirai un poème
pour toi, qui ne voudras sans doute pas
de ce gros bonhomme en bois.
Version audio :
Extrait de "La campanella" de Franz Liszt par Misha Dichter.
Une majorité de mots de ce texte ont été pris dans les titres des oeuvres d'Eric Satie.
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Un jour j'écrirai un poème qui aura pour titre
c'est la fin
ou le début
... peu importe !
La rage au cœur, des milliers de gueux
descendront sur la ville
les uns portant poignard, d’autres le fusil.
Dans les rues, sur les places
retentiront les cris des bourgeois affolés
protégeant leur maison, leur voiture, leur commerce
et la multitude de leurs petites affaires
amassées au cours de leur vie
de jouissance et de profit.
Tous les paumés, les RMIstes, les sans-papiers
les sans-rien-du-tout
ceux à qui il ne reste plus que la gueule
pour hurler leur misère
tous se vengeront, réclameront justice.
Et l’on entendra crier pitié.
Et l’on verra toutes ces échines friquées
se pencher sur les restes épars d’un repas renversé.
Peut-être, certains, dans un dernier sursaut
un sourire hypocrite sur leur lèvre éclatée
essaieront vainement d’acheter un instant de survie
avant de voir s’envoler leur âme moricaude
vers l’enfer des nantis.
Oui, un jour, les gueux descendront sur la ville
avec dans leur regard l’envie d’être bourgeois
et de trouver enfin plus pauvre qu’eux.
Un jour j'écrirai un poème, un jour, mais pas aujourd'hui.
En attendant vous me laisserez bien
finir ce foie gras avec un verre de Loupiac
personne ne nous regarde.
Version audio :
Extrait de "Tribulations" - René Aubry (Ne m'oublie pas)
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Un soir j’écrirai un poème qui aura pour titre
dans les cordes
ou prélude en la mineur
... peu importe !
Nous remuerons dans nos fauteuils
comme des oisillons au creux du nid
attendant la becquée
nous tousserons deux ou trois fois.
Sur le piano la lumière
veillera au silence
doigts tendus au dessus des touches
les mains seront prêtes pour la mitraille
un court instant de recueillement
puis elles mèneront l'offensive
sautant reculant valsant
entre fureur et tremblement
douceur et suffocation
en fugues ou ballades
le cœur endiablé
ne manquera pas d'assurance
les oiseaux cachés sous les planches
suspendront leur chant
jusqu'à la dernière coda
et les notes ayant quitté les touches
nous porteront longtemps
dans l'écho répété de leur envol.
Un soir en balade j'écrirai un poème
et je danserai la mazurka
avec Chopin et Georges Sand.
Version audio :
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Un jour j'écrirai un poème qui aura pour titre
folles genèses
ou résurgences
... peu importe !
Les boites sortiront du placardet les photos s'étaleront sur la toile cirée
vertige d'un retour en enfance
invention chancelante de la mémoire
sur des corps tristement souriants
en habits du dimanche
le temps glissera à la surface des choses
muet comme un tombeau
révèlera les jours affamés
où la misère et l'innocence
faisaient un drôle de ménage.
Tout se réveillera
la rage et la honte
l'impossible envie d'être ailleurs
les cris et les insultes
pour un bouton de manchette
ou une assiettée de poireaux
les voisins surgiront devant la porte
dégoulinant de pitié et de mauvais sentiments.
Flotteront quand même
des ilots de tendresse
les murmures d'une soupière
sur un coin de cuisinière
les silences devant la cheminée
de la petite maison.
L'amertume remplacera la haine
les années cacheront les cicatrices
au creux d'une armoire
et les souvenirs en vieillissant
deviendront à chaque fois
un peu plus présentables.
Un jour j'écrirai un poème
pour reprendre la rougeur
de mes racines.
Version audio :
Extrait de "Ballade pour piano n°3" de Chopin, par Vlado Perlmuter.
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